Baptiste Chassagne « Je reste sur l’affirmation que je suis venu pour découvrir La Diag »

Publié le 04/12/2025

Quelques semaines après sa victoire sur la Diagonale des Fous, Baptiste Chassagne dévoile Intense, un documentaire consacré autant à la course qu’à l’amitié qui le lie au réalisateur Simon Dugué. À l’occasion de l’avant-première organisée chez Back Market, soutien du projet, nous avons rencontré l’athlète pour revenir sur cette aventure, sur leur lien et sur la naissance du projet 362.

Au lendemain d’une année qui l’a propulsé dans une nouvelle dimension, Baptiste Chassagne continue d’élargir son terrain d’expression. Quelques semaines après sa victoire magistrale sur la Diagonale des Fous — l’une des courses les plus mythiques et les plus exigeantes du trail mondial — l’athlète français dévoile Intense, un documentaire qui retrace non seulement son aventure sur l’île de La Réunion, mais surtout l’histoire d’une amitié : celle qui l’unit au réalisateur Simon Dugué. Leur relation, leurs doutes, leurs projets et cette façon très particulière de vivre et de raconter le trail deviennent le fil conducteur d’un film pensé comme un « épisode pilote ».

Car Intense est plus qu’un documentaire : c’est l’acte de naissance du projet 362, une série d’aventures qui verra officiellement le jour sur YouTube en 2026, soutenue par Back Market. Et c’est justement dans les locaux de l’entreprise française que nous avons rencontré Baptiste pour une interview exclusive. Un lieu symbolique, tant le partenariat qu’il entretient avec Back Market est devenu l’un des plus singuliers du trail, mêlant valeurs, engagement et une vraie connexion humaine.

Au cours de cet échange, Baptiste revient sur sa Diag — qu’il dit être venu « pour découvrir », avant d’en prendre… la première place. Il raconte ce qui a rendu cette course si particulière, le détachement qui l’a guidé, son plateau de forme inattendu après des Mondiaux difficiles, mais aussi la force du collectif et l’importance de l’amitié dans sa façon d’aborder l’ultra.

Il évoque également le développement de sa relation avec Back Market, un partenariat non endémique rare dans le trail, né d’un vrai match humain avant d’être un accord sportif. Enfin, il dévoile les intentions derrière Intense : donner envie de se lancer dans des projets ambitieux entre amis, raconter autrement le trail, et ouvrir la voie à une aventure créative qui pourrait bien marquer un tournant dans la manière de filmer et de vivre ce sport.

Interview.

runpack : Lorsque nous nous étions rencontrés il y a quelques mois, tu nous avais confié que tu voulais venir sur la Diag pour la découvrir, et finalement, tu la remportes ! Il s’est passé quoi ?

Baptiste Chassagne : Je reste sur l’affirmation que je suis venu pour la découvrir. C’est simplement que ma définition du mot « découvrir » n’est peut-être pas celle qu’on entend habituellement. Ce que je mettais derrière, c’était vraiment : découvrir les sentiers, découvrir la ferveur, découvrir la course et ce qui fait sa singularité. Mais aussi découvrir des dynamiques de course et des stratégies : qu’est-ce que ça fait de courir dans le pack de devant ? Qui te met la pression ? Qui craque ?

Finalement, le bon mot n’était peut-être pas « découvrir », mais plutôt « explorer » : explorer mes limites, explorer un potentiel. Et ça s’est hyper bien passé.

« Dans le trail, tu dois construire ton propre écosystème de partenaires. C’est la base pour un athlète. Et moi, j’ai toujours voulu faire les choses proprement, casser un peu les codes, faire différemment mais bien »

Tu parles d’explorer cette course. J’imagine que tu en as déjà exploré beaucoup dans ta carrière. Pourquoi celle-là a mieux fonctionné que d’autres ?

Il y a des explorations qui se sont moins bien passées, oui. Si je comprends bien ta question — pourquoi celle-là a été réussie — je pense que c’est vraiment lié à un détachement en amont. Je suis arrivé à la Diag apaisé. J’étais là pour moi, avec mes proches. Ma famille partait à la retraite, on était un mois sur place, et j’ai vécu la course comme au milieu de nos vacances. Le contexte était hyper favorable.

Et puis j’étais sur un plateau de forme. Il y a eu les Mondiaux deux semaines et demie avant, où la performance était moyenne, pour ne pas dire médiocre. J’ai rebondi dessus. Donc forme physique + sérénité + détachement : c’était un combo rare. Difficile à reproduire. Chaque course est unique. Je retournerai peut-être à la Diag en 2027, mais pour raconter et vivre une autre histoire.

On est chez Back Market, et c’est rare que des trailers soient partenaires avec des marques non endémiques, pas issues du sport. Comment ce partenariat est né, et comment tu fais le lien avec ta pratique ?

Le trail n’est pas un sport fédéral ou professionnalisé comme le vélo, où tu es salarié d’une équipe. Dans le trail, tu dois construire ton propre écosystème de partenaires. C’est la base pour un athlète. Et moi, j’ai toujours voulu faire les choses proprement, casser un peu les codes, faire différemment mais bien.

Et là, il y a eu un match humain de dingue. Vraiment. Je peux donner plein d’anecdotes pour le prouver. Ce sont des partenaires avec qui je suis ultra à l’aise : je leur fais la bise, mais ça reste pro. Dans le vélo, certaines marques fonctionnent comme ça, et Back Market voulait entrer dans le trail avec cette même humilité. La première année, c’était vraiment : on apprend à se connaître, on apprivoise les codes. Aujourd’hui on est là parce que ça a matché sur les valeurs, mais aussi humainement.

« Quand tu es proche de quelqu’un, tu peux dire les choses vraies sans peur d’abîmer la relation. Je ne peux faire ça qu’avec très peu de personnes »

La connexion humaine est venue de Quentin, qui était responsable marketing. Il était passionné de trail. Il m’a contacté sur LinkedIn. Il y avait une conjonction entre son enthousiasme et les enjeux de Backmarket : ça a tout de suite matché. On s’est compris. Ils sont venus chez moi, on a discuté, ils voulaient me connaître. Le shooting était hyper bien pensé, différent. Ça m’a plu immédiatement.

Une anecdote : après le Championnat de France, ils m’ont fait la surprise de venir à Combloux alors qu’on avait une visio prévue. Greg, mon manager, m’avait dit : « On se voit au resto ». J’arrive, ils sont là. Mais pas en mode grande mise en scène : juste la bonne mesure. C’était trop cool.

On est là pour voir l’avant-première du documentaire. Qu’avez-vous voulu raconter ? Qu’est-ce que vous vouliez que les gens retiennent ?

Comme j’ai souvent le trac, j’essaie de bien le canaliser. Je sais ce que j’ai envie de dire. L’idée, c’est de donner envie de courir la Diag — un peu, mais pas trop — tranquille, prenez votre temps. Mais surtout : donner envie de faire des projets avec ses potes. J’ai toujours fonctionné comme ça. Les projets nous ont rapprochés, galvanisés. Oui, il y a des obstacles, mais aussi une énergie dingue. Si les gens sortent du docu en se disant : « J’ai trop envie de monter un projet avec un pote » — alors c’est gagné.

Avec Simon, ça a été un coup de foudre amical. L’amitié est une forme d’amour. Et je ne parle pas d’amitié à haut niveau : je parle de qualité. On a vécu des trucs forts. Ça vient d’une passion commune : trail, foot, musique, langue française… Et de valeurs communes. On a un mode de vie atypique, pas du lundi au vendredi. Ça rapproche. Et puis on accumule les souvenirs. Les meilleurs moments restent.

On a eu une discussion très forte dans le docu. Quand tu es proche de quelqu’un, tu peux dire les choses vraies sans peur d’abîmer la relation. Je ne peux faire ça qu’avec très peu de personnes. Il y a aussi une scène qui m’a marqué : on parlait de l’arrivée de Jim Walmsley à l’OCC, il saute dans les bras de son pote. Il y a de la rage, de la joie, une déflagration intérieure. Et il partage ça avec son meilleur ami. Quand je vois ça, je pense à Simon. C’est ça un moment intense.

« L’UTMB 2026 ? Je veux faire mieux que 2024, mieux que mon chrono 2022 »

Il me reste une question sur le documentaire : si on doit retenir une seule image de toi, laquelle tu voudrais que ce soit ?

C’est compliqué, je n’ai pas envie de sortir un truc trop convenu. Mais le plus important pour moi, c’est la bande : ma famille, mes proches. Peu importe le résultat. Ce qui compte, ce sont les émotions partagées. Et si on fait de l’ultra, c’est justement pour vivre des choses extrêmes, pas des émotions tièdes. Tout le monde peut s’identifier à ça. Tu dis que c’est le chemin intérieur qui compte. Je n’ai pas envie de tomber dans les phrases de papillote, mais oui, c’est vrai.

Et puis il y a le côté potes. Le trail est mon sport préféré, mais mon deuxième sport préféré, c’est… (NDLR : phrase peu intelligible dans la captation ; idée générale : « l’autodérision / le partage / la camaraderie »). On a de la chance : notre souffrance, c’est juste une douleur physique passagère.

Je trouve qu’il y a parfois une tendance à en faire trop autour du sacrifice. Je vois des couples où l’un fait trois blocs d’entraînement par jour, l’autre aussi, et ça crée un déséquilibre. À Chamonix, des familles entières vivent l’UTMB parfois de manière un peu trop intense. Il faut avoir une passion individuelle pour être bien. L’équilibre, c’est entre altruisme et individualisme.

Dernière question et on voulait parler de l’UTMB 2026 ! Comment on lance ce projet après avoir gagné la Diag ? Les ambitions restent les mêmes ?

L’objectif n’a pas changé. En 2024, j’ai fait mon deuxième UTMB. Pour faire mieux, il y a deux options : faire un meilleur chrono, ou faire la course contre soi-même plutôt que contre les autres. L’objectif 2025 — puis 2026 — a toujours été clair : progresser. La Diag n’était pas forcément prévue, mais elle n’a pas changé mon état d’esprit. Je veux faire mieux que 2024, mieux que mon chrono 2022. Ce sont des repères solides.

Je ne fais pas de la victoire une obsession. À la Diag, j’ai gagné, mais ça reste rare. Je ne suis pas un « gagneur », je suis un performeur. Je sais optimiser mon potentiel du jour, mais je n’ai jamais été obsédé par la première place. J’ai souvent fini 2e ou 4e. Je travaille dessus.

Mais comme on disait tout à l’heure : je vise toujours les ambitions les plus hautes. Je veux simplement faire mieux que l’année précédente.

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